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Le Choix, un sport de décideur!

Jérôme est dans son “bureau”, en fait dans son salon…, il n’a pas vu ses collaborateurs en vrai depuis plusieurs semaines et il est très mal à l’aise devant une décision qu’il doit prendre.

Avant il lui suffisait “d’happer au vol” ses managers en réunion improvisée, de leur soumettre le problème et d’en décider collectivement. Là ils sont loin, difficilement mobilisables et Jérôme se sent incapable d’affronter seul la décision à prendre pour sa boite !

Consultant en stratégie et en développement d’activité, entrepreneur, j’accompagne de nombreux Jérômes et je les fais travailler sur leur processus décisionnel, et plus particulièrement ceux qui sont liés à des situations complexes : acquisitions,  crise, hyper-croissance, rebond…

Le décideur dispose d’un panel de solutions pour prendre une décision : vote, consensus, consultation, tirage de dés, recours à des oracles, gourous,  aux statistiques et choix… Ce dernier est singulier, car il  donne accès à tous les autres y compris lui-même : je choisis de choisir plutôt que de soumettre la décision au vote…

Le choix se perd ?

Professionnellement le choix est un outil décisionnel efficace, voire tranchant. Il diffère des autres modes de décision car il est individuel et ainsi fait porter sur soi la totalité du risque (la notion de choix collectif est difficile à défendre).

Cependant, certains décideurs se sentent inconfortables devant le recours au choix. A partager les décisions du quotidien au nom de la démocratie d’entreprise et encouragés par l’idée que le management d’aujourd’hui doit nécessairement être participatif pour conserver la mobilisation, ils peuvent avoir perdu l’habitude de recourir au choix. 

Et tout irait pour le mieux ainsi… mais les crises et leur lot d’imprévus, les situations exceptionnelles, peuvent isoler le décideur et le remettre brutalement face à lui-même. Et à ce moment-là, comme l’entrepreneur intrépide des débuts semble loin et comme le risque paraît bien réel tout à coup…et la perspective de porter seul le poids de l’incertitude  si peu tentante…

On reproche souvent au dirigeant de ne pas trancher. Le principal risque de ne plus exercer le choix est d’oublier l’effort qu‘il requiert : Il faut visualiser les options, les pondérer, prolonger les scénarios et endosser seul l’imprévu…Comme dans un jeu d’échecs.

Le choix est un processus itératif

Chaque étape est importante. Des matrices peuvent être utiles pour les situations à enjeu.

Voici l’approche que je recommande :

  1. Lister les options : exercice de créativité qui peut emmener assez loin.
  2. Sélectionner les options les plus prometteuses.
  3. Scénariser : où pourrait me mener chacune des options retenues… 
  4. Pondérer chaque scénario : ce que je gagne, ce que je perds, ce qui change (par exemple en utilisant des notes).
  5. Pré-décider : retenir le scénario bénéficiant de la meilleure pondération.
  6. Verbaliser le choix (éventuellement devant des tiers), laisser son instinct abonder dans le même sens ou le confronter aux éléments rationnels de la pondération et creuser les contradictions éventuelles.
  7. Arrêter le choix final et le mettre en œuvre.
  8. Analyser la conformité du scénario (feedback) ou sa divergence et en fonction des conséquences reprendre le processus de décision. 

L’étape du feeback est souvent sous-estimée : le choix attend sa récompense !

Il est important d’évaluer son choix pour en tirer un enseignement qui renforcera l’apprentissage pour les suivants. 

Au sortir de cette décision, ai-je fait un bon choix ? Pour le décideur de bonne foi, il n’existe pas réellement de mauvais choix, il est seulement des choix dont le résultat n’est pas conforme aux attendus de la décision : soit le scénario retenu était mal estimé, soit (cas le plus fréquent) des paramètres indépendants ont fait dévier l’issue anticipée. Dans les deux cas, c’est plus une erreur d’appréciation qui renvoie à la capacité de raisonnement et de documentation du décideur que l’échec d’avoir procédé à un choix qu’il faut considérer. 

Pour le décideur confronté à un choix aux mauvaises répercussions, il est plus efficace de rester juste et bienveillant à l’égard de soi-même. La complaisance et l’autoflagellation ne sont pas féconds. L’erreur est une source d’apprentissages et d’améliorations.

Mais encore faut-il être confortable dans le « droit à l’erreur » : accepter l’erreur pour passer au choix suivant. Franchir le seuil d’un mauvais choix est essentiel à la dynamique décisionnelle. Le processus itératif essai – erreur est indissociable de la qualité des choix. C’est l’ensemble des choix qui créent un parcours professionnel.

La décision est un sport !

On retrouve ici beaucoup des qualités que l’on prête à la pratique du jeu ou du sport.  

L’entraînement passe par l’analyse de ses « bons choix ». Pourquoi sont-ils bons, parce qu’ils ont donné les résultats conformes au scénario que j’avais anticipé ou parce que j’étais confortable avec ceux-ci ? Avais-je toutes les cartes en main et qui me les avait données ?

Que signifie être confortable avec un choix ? Il me semble qu’un bon choix est celui qui vous conforte dans votre identité. L’introspection est là pour installer une clarification confortable de son choix, une méthode, un savoir-être autant qu’un savoir-faire.

Le choix est un sport intellectuel qui nécessite de l’exercice. Faire des choix en conscience muscle le cerveau et prépare aux choix les plus difficiles. Cette capacité est commune aux plus grands décideurs que j’ai rencontrés.

Hubert Van Cappel