On ne compte plus le nombre d’articles catastrophistes sur la disparition des magasins de proximité. La crise sanitaire a généré pour les magasins physiques (hors alimentation) de nouveaux comportements.
Ceux-ci ont vocation à durer :
- Baisse de l’hyper-consommation
Les consommateurs sont plus attentifs à leurs achats et valorisent le sens et la durabilité des produits comme des services. Le sourcing et les méthodes de productions doivent donner lieu à une communication simple et transparente.
- Baisse du temps de shopping physique
Moins on passe de temps en magasin… mieux on se sent. La peur de la contagion, les masques, les files d’attente et même l’ambiance morbide des magasins en temps de crise a fortement réduit le plaisir. Le recours au drive et au click & collect permet de réduire le temps de caisse et de déambulation.
- Adaptation rapide aux évolutions
Au-delà du civisme qui imposait de nouveaux usages, les clients se sont révélés très à l’écoute de tout changement et s’y testent avec curiosité : paiements sans contacts, self-service, distanciation… (pour aller plus loin : un excellent article sur LSA).
D’autres éléments viennent perturber le désir et le besoin : la réduction ou la suppression des concerts, théâtres, sorties, animations, tout ce qui constitue les expériences émotionnelles vécues en live, en rompant le quotidien, créent un vide ou un manque non négligeable dans la tête du consommateur.
Les échanges humains autour de la vente en réel, le conseil, la recommandation et la négociation ont été fortement impactés. Peu ou pas d’événementiel, les soldes qui ont été « assourdies » et la fin des lancements de nouveaux produits avec fracas, génèrent un vide de sensations qui ne demande qu’à être de nouveau comblé.
Ces éléments, loin de signer la fin des magasins physiques ont le mérite de poser le changement de paradigme.
Quels rôles pour les magasins ?
Avec une perte de fréquentation et des achats plus réfléchis, le taux de conversion et la valeur du panier doivent être challengés sérieusement à la hausse pour maintenir les rentabilités. La boutique doit devenir un lieu d’engagement fort : le client et la marque s’y constituent un lien tangible et documenté (numériquement) qui pourra se poursuivre dans l’univers digital.
Les vendeurs ne sont plus là pour seulement vendre mais pour mieux connaître le client. Le client ne peut plus juste être un flâneur : rentrer dans une boutique marque un acte d’intérêt.
Plus de conversion et un meilleur panier… par manichéisme cela conduit à répartir les magasins physiques (hors alimentation) en 2 catégories : les « cabines d’essayages » et les « cabinets d’expériences ».
La cabine d’essayage
Son objectif : valider une intention ou une impulsion d’achat le plus efficacement possible.
Avec une logistique dédiée à l’essayage rapide pour concurrencer les achats/retours sur internet :
- Des lieux dédiés où le client se pose au lieu de circuler. Une valorisation du testing avec un vendeur conseil (personal shopper). La mise en place de catalogues virtuels (bornes ou applis mobiles en magasin), la facilitation du social sharing avec appli de rating. Essayer devient ludique !
- Peu de stocks, place à des lieux d’essayages confort. Les achats en magasin génèrent une livraison à domicile et l’envoi des références essayées avec photos ou échantillons (récupération de la data client).
Et une cible : des produits qui se portent ou s’essaient : vêtements, accessoires, cosmétiques…
La boutique devient une étape clé du parcours d’achat pour mieux connaître le client : taille, coloris, goûts… et une opportunité de le questionner sur sa pratique ses envies et ces besoins.
Le cabinet d’expériences
Son objectif : proposer l’Expérience de marque que ne peut réaliser le digital. Avec des produits exclusifs, une personnalisation des services et des conseils, des initiations, des ateliers, des dédicaces, des rencontres créateur, un club clients… de l’événementiel live…
Le magasin devient un lieu événementiel capable d’évoluer rapidement et de proposer de nouvelles expériences. Cela concerne en premier lieu le luxe et les produits premium à fort univers de marque.
Les stocks sont spécifiques et limités dans le temps ou destinés à un usage de personnalisation. L’accueil se fait sur rendez-vous ou sur créneau limités, par groupes. On peut imaginer des scénarios et des menus ou un fonctionnement à la carte comme dans un spa ou un restaurant. Le vendeur est un artisan ou initiateur. La boutique doit se renouveler régulièrement et, pourquoi pas, proposer une programmation. De nombreux services peuvent s’y dérouler ou s’y commander : ateliers, conciergerie, réparation et entretien….
Quel modèle de rentabilité pour les magasins ?
Un nouveau modèle de rentabilité est à créer autour du « Less is more ! » Moins de trafic, moins de volume… donc plus de transactions et des paniers plus élevés ou des bundles produit/services à forte marge contenant plus de valeur « services » que « produit » (à l’instar des spas ou des restaurants).
Bien avant le Covid, Décathlon avait testé un magasin conseil test & buy qui fait figure de pionnier. Sur le thème de l’amélioration de l’expérience de vente le groupe Casino (Monoprix) a inauguré « Le 4 Casino » à deux pas des Champs-Élysées. Les solutions de paiements nécessitent moins de caissiers, réduisant les coûts de fonctionnement.
On peut également imaginer comme dans certains hôtels que « tout est à vendre », du mobilier aux accessoires et fusionner l’univers de la maison avec celui du produit.
Enfin l’amélioration de la capture de data personnalisées avec le consentement des clients permets de développer des profils de client-life-time-value et d’améliorer profondément le CRM. Non négligeable également la valeur des UGC en magasin (User Generated Contents) partagés sur les réseaux pour peu que le magasin ait anticipé : wifi, photo call, appli, messages pré-formatés…
Quels parcours ?
Omnicanal… comme un principe de base. Si les nouvelles règles de protection des données complexifient le travail de suivi sur internet, certains consommateurs engagés souhaitent être reconnus et à ce titre la prise d’information en boutique est complémentaire de celle sur internet. Les allez-retours se font dans les deux sens et la collecte et l’exploitation de data est un sujet stratégique pour le commerce de détail. Dans le cas de la « cabine d’essayage » la boutique est une étape de transformation présentielle entre des étapes de recherche sur internet et la livraison. Dans le cas du « cabinet d’expérience » la boutique est un lieu de destination qui sourcera sur internet.
Conclusion
Prenons le pari que les magasins peuvent à nouveau devenir un lieu de destination plaisir, localisé ou internationalisé, où passer 20 minutes à sentir des parfums ou essayer une paire de chaussure sera toujours plus attractif que des vidéos sur Tiktok.